Made with amour /

Au commencement /

At the beginning

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        Tout commence en 1796, à Morez, (a quelques kilomètres d’Oyonnax). Au fond des montagnes, c’est un petit village situé à deux pas de la Suisse. Il se trouve en plein cœur du bassin métallurgique jurassien.
Là-bas, vit le maître cloutier Pierre-Hyacinthe Cazeaux : son métier consiste à fabriquer des clous pour de multiples usages, allant des souliers au fer à cheval. En 1796, une idée ingénieuse lui vient : celle de tordre un fil métallique pour encercler des verres de correction. Mais il en a une autre : celle de concevoir des branches qui enserrent l’oreille et permettent le maintien des lunettes. La lunette moderne en métal est née.Grâce à M. Cazeaux, c’est bientôt le village entier de Morez qui se spécialise dans la confection de montures de lunettes métalliques, puis le savoir-faire s’étend au bassin voisin, Oyonnax.

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        It all began in 1796, in Morez (a few kilometers from Oyonnax). Deep in the mountains, this small village lies a stone’s throw from Switzerland, located in the heart of the French Jura steel belt. There lived master nail maker Pierre-Hyacinthe Cazeaux: his trade consisted in making nails used for many things, from shoes to horseshoes. In 1796, he came up with an ingenious idea: to twist a wire around corrective lenses. Then another: to design temples that encircle the ear and allow the glasses to be held in place. Modern metal eyewear was born. Soon, the entire village of Morez specialized in manufacturing metal frames and the know-how spreaded to the neighboring region of Oyonnax.

gravure UV des branches / UV engraving of the temples

improbo fabrum labore ascendit /

        À Oyonnax, une devise orne les murs et habite les esprits : “improbo fabrum labore ascendit” – “elle s’est élevée grâce au travail opiniâtre de ses habitants” -.

Ses habitants ont le savoir-faire chevillé au corps : Dans cette ville, on est alors faiseur de peignes de père en fils, comme en attestent les registres de l’état civil. De faiseurs de peignes en buis puis en corne, on devient faiseurs de peignes en celluloïd. Cette nouvelle matière plastique, la toute première du genre, a été inventée à la fin du XIXe siècle. Elle présente des qualités incomparables : elle est à la fois plus souple, plus légère, plus solide et plus malléable. On s’arrache ces nouveaux peignes.

         In Oyonnax, a motto adorns the walls and inhabits the spirits: improbo fabrum labore ascendit, meaning “it has risen thanks to the stubborn work of its inhabitants”.

People here have a strong sense of craftsmanship: this town has seen generations of comb makers, as the civil registry shows. First making combs out of boxwood then horn, the comb makers ended up using celluloid. This new plastic material, the very first of its kind, was invented at the end of the 19th century. It had incomparable qualities: it was more flexible, lighter, stronger and more malleable. These new combs sold like hotcakes.

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Vérification des stocks d’acétate / Checking acetate stocks

        Pour soutenir l’activité, la coopérative met en place une usine à vapeur, La Grande Vapeur. D’un genre nouveau, son organisation reste ancrée dans les racines paysannes de ses ouvriers. En effet, elle regroupe 32 cabines individuelles, chacune raccordée au moteur central. Son fonctionnement était réellement celui d’une coopérative : pour occuper ces cabines, les ouvriers devaient verser un loyer mais ils étaient, en contrepartie, indépendants. Ils pouvaient donc bénéficier de l’énergie vapeur à leur guise tout en conservant leur liberté de travail. Ces ouvriers se voyaient sous-traiter la fabrication des lunettes, de la part des marchands et c’est ainsi que la région prit son essor économique.

        To support the growing activity, the cooperative set up a steam factory, “La Grande Vapeur”. This factory was of a new breed but its organization was anchored in the agrarian roots of its workers. It consisted of 32 individual booths, each connected to the central engine and functioned like a proper cooperative: to occupy these booths the workers had to pay rent, but in return they were independent. They could therefore use the steam power at will while retaining their freedom to work. These workers were subcontracted by the merchants to make eyeglasses and this is how the region took off economically.

Gabarits de découpe des verres / Lenses cutting templates

Un nouveau succès /

A new success

        Mais dans les années 1920, la croissance s’essouffle : la mode des cheveux courts provoque un déclin soudain et inattendu des ventes de peignes. Les Roaring Twenties (les années folles) font souffler un vent de liberté tout droit venu des États-Unis : les actrices américaines Louise Brooks et Josephine Baker inspirent les femmes françaises. Tout comme Coco Chanel, elles arborent désormais des coupes boyish, des coupes à la garçonne. À l’époque, une femme sur trois porte les cheveux courts : le peigne devient donc un accessoire désuet. Alors on cherche à diversifier les activités : on utilise l’acétate de cellulose, successeur du celluloïd, pour produire des jouets, des pièces techniques … et des lunettes.  C’est à cette époque que la vallée du Jura devient ce que l’on a ensuite nommé la Plastic Valley, c’est-à-dire un véritable bassin industriel et technologique qui continue encore aujourd’hui son envergure nationale comme mondiale. Les lunettes jurassiennes connaissent un grand succès : elles incarnent la modernité. Et elles s’exportent ! Dans les années 1950, les artisans lunetiers sont submergés par les demandes américaines : on leur commande des lunettes en acétate par milliers !

        In the 1920s, however, growth started dwindling: the fashion for short hair caused a sudden and unexpected decline in comb sales. The Roaring Twenties brought a spirit of freedom straight from the United States: American actresses Louise Brooks and Josephine Baker inspired French women who, like Coco Chanel, now sported tomboyish cuts. At the time, one in three women wore their hair short and combs became obsolete. The region therefore tried to diversify its activities: cellulose acetate, the successor to celluloid, was used to produce toys, technical parts and… eyeglasses. It was at this time that the Jura valley became what was later called “Plastic Valley”, a true industrial and technological zone of national and global caliber. Jura eyewear became a great success: it embodied modernity and exported well. In the 1950s, eyewear manufacturers were overwhelmed by American demand and had to fulfill orders of acetate glasses by the thousands.

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Dernières vérifications et polissage des montures / Final checks and polishing of the frames –

Le challenge de la délocalisation /

The challenge of relocation

        Ce parcours, c’est celui de notre usine principale, Lucal, dont les origines remontent en 1900 et la fabrication de peignes et barrettes. Lucal connaît aussi la folie des années 50 jusqu’à son apogée, en 1980, où cette entreprise familiale compte désormais 400 employés et travaille avec des grands noms de la mode comme Lanvin et Chloé.  Comme beaucoup d’autres hélas elle connaîtra le déclin dû à la délocalisation croissante des ateliers de production : Taïwan, Hong-Kong ou encore le Japon proposent des modèles moitié moins chers. Ce déclin s’accentue encore avec l’ouverture commerciale de la Chine. Les grandes maisons les premières ont quitté le navire pour le pays du milieu où les coûts de production y étaient moindres. Dos au mur, certains ateliers ont été contraints d’y délocaliser une partie de leur production. C’est dans ce contexte difficile qu’est né le deuxième de nos fabricants : Optisun.

En 1980, Edmond Maitre, décide de créer ses propres lunettes :. À l’époque, c’est dans son garage qu’il construisait les prémices du savoir-faire d’Optisun. En 1985, l’entreprise est née et comptabilise 10 salariés. En 1990, son fils Olivier rejoint l’entreprise. Il comprend rapidement que la modernisation de l’outil de production est nécessaire pour faire vivre la lunette et le savoir-faire Français, chers à son cœur.  C’est ainsi que l’entreprise fabrique ses propres machines à commandes numériques pour moderniser l’usine et apporter de nouvelles techniques et procédés de fabrication. Ces efforts positionnent aujourd’hui Optisun comme une usine dont le fruit du travail est admiré partout dans le monde.

 

        This journey mirrors that of LUCAL, our main factory, whose origins date back to 1900 and the manufacturing of combs and barrettes. LUCAL also went through the madness of the 1950s and reached its peak in 1980. At the time, this family-owned business employed 400 people and worked with big names in fashion such as Lanvin and Chloé. Sadly, like many others, LUCAL experienced a decline due to the increasing relocation of production workshops: Taiwan, Hong Kong and Japan offered products that were half the price. This decline became even more pronounced with the opening up of China’s trade. Large manufacturers were the first to jump ship and relocate to China, where production costs were lower. With their backs to the wall, some smaller workshops were forced to relocate part of their production there. It was in this difficult context that the second of our manufacturers was born: Optisun.

In 1980, Edmond Maitre decided to create his own glasses. At the time, he was working from his garage to build Optisun’s expertise. In 1985, the company was founded and had 10 employees. In 1990, his son Olivier joined the company. He quickly realized that the modernization of the production tools was necessary if he were to keep French eyewear and know-how alive, an endeavor dear to his heart. This is why the company manufactures its own CNC machines to modernize production and introduce new manufacturing techniques and processes. These efforts have positioned Optisun as a manufacturer whose work is acclaimed around the world.

Machines d’usinage 5 axes et machine de découpe des verres / 5-axis machining and glass cutting machine

Un futur radieux /

A bright future ahead

        La modernisation, l’excellence et l’innovation sont ces mêmes clefs qui on permit à Lucal de subsister et de rebondir: avec à son bord des profils comme ceux Christian Girard et David Rondelet, tous deux Meilleurs Ouvriers de France, l’entreprise cultive un savoir-faire rare qui attire jusque dans les plus grands noms du luxe Français : Cartier par exemple, choisi Lucal pour la fabrication de ses montures. Avec la COVID et la prise de conscience des faiblesses de notre industrie, le made in France fait son grand retour en force. Avec lui, grandit l’idée d’une consommation plus raisonnée qui promet à la région un bel avenir. Ce savoir-faire, cet héritage, mais aussi l’envie d’innover sont les clefs de notre production: raisonnée et locale, elle repose sur l’expérience de partenaires qui nous font confiance depuis nos premiers jours.

        Modernization, excellence and innovation are the same cornerstones that have enabled LUCAL to survive and bounce back: with people such as Christian Girard and David Rondelet on board – both Meilleur Ouvrier de France (“Best Craftsmen in France”, an elite group of professionals) – the company cultivates a unique know-how that attracts even the greatest names in French luxury. Cartier, for example, chose LUCAL to manufacture its frames. With COVID and the awareness of our weaknesses, the “Made in France” industry is making a comeback. In its wake grows the idea of a more sustainable consumption, which promises a bright future for the region. This expertise and legacy, as well as the desire to innovate are the keys to our production: sustainable and local, it is based on the experience of partners who have trusted us since our beginnings.

Christian Girard – Meilleur ouvrier de France
Christian Girard – Best Craftsmen in France

Espace de prototypage – Prototyping area

Faces en production – Fronts in production

Galets de polissage – Polishing pebbles

        Cet article n’aurait pas été possible sans la participation des usines Lucal et Optisun ainsi que tout leur aimable personnel. Sans Jim Rosemberg pour la photographie ainsi qu’Alexis Kaiser pour les traductions. Merci à tous.

Guillaume Thuau – Co-fondateur BAARS

        This article would not have been possible without the participation of the Lucal and Optisun factories and all their kind staff. Without Jim Rosemberg for the photography and Alexis Kaiser for the translations. Thanks to all of them.

Guillaume Thuau – BAARS’ co-founder

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